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6e jour à l'Etrange festival

Mardi 13 septembre 2022

 

A bout de souffle mais sans mépris, je continue la route de l’Etrange festival avec l’exhumé Death Game, sorte de huis-clos de torture morale et physique de Peter S. Traynor en 1977, l’étonnant Sick of Myself sur une société humaine décidément bien atteinte, daté de 2022 du suédois Kristoffer Borgli, avant de terminer la journée avec L’Origine du Mal, thriller psychologique de 2022 du réalisateur français Sébastien Marnier.

 

 

DEATH GAME – USA – 1977 – Peter S. Traynor

Pépites de l’étrange

 

Pitch : Seul le soir de son anniversaire, un homme d'affaires recueille deux charmantes jeunes femmes qui se sont perdues. Elles vont le séquestrer et le torturer.

 

Comme évoqué lors de la présentation, Ça Peut Vous Arriver Demain (titre français et en copie neuve) est une production assez trouble montée par un personnage qui se foutait visiblement de l’aspect artistique du projet, dont le seul objectif était de gagner de l’argent. Il n’avait d’ailleurs jamais mis un pied sur un set et ne savait pas comment réaliser un long-métrage. De fait, le tournage fut chaotique et on le ressent bien, les actrices semblent en roue libre pendant une bonne partie du métrage. Le film aurait pu rester dans l’oubli si Eli Roth (Hostel) n’en pas fait un remake, Knock Knock en 2015 avec Keanu Reeves et Ana de Armas.

Si les deux œuvres n’ont pas la même profondeur, elles ont la même entame. Deux jeunes filles, Jackson (Sondra Locke, L’Epreuve de Force) et Donna (Colleen Camp, vue dans D.A.R.Y.L) débarquent trempée lors d’une nuit d’orage chez George Manning (Seymour Cassel, Shadows). Un bon père de famille laissé seul qui va tomber sous le charme de ces deux donzelles très accortes, incapable de résister à la proposition d’une nuit torride et d’un passage par le jacuzzi. Donna et Jackson sont très persuasives même si George va le regretter amèrement dès le lendemain matin en constatant que ces invitées sont en fait des squatteuses psychopathes. S’ils les chassent un moment, elles reviennent et le séquestrent avant de tout casser chez lui.

Sur ce pitch très simple, Traynor (dont la seule autre mise en scène sera Evil Town en 1987) construit presque un huis-clos en forme de face-à-face budgété à 150 000 $ où nos deux nymphettes violentent ce pauvre George le jour de son anniversaire par simple jeu, même si elles l’accusent plus ou moins ouvertement d’avoir abusé de filles mineures et lui font un procès virtuel. L’ombre de la pédophilie flotte sur le film (les allusions à l’inceste du père de Donna sont fréquentes, la lecture d’un livre de George) bien que les motivations de Jackson et Donna paraissent plus mues par une folie systémique au point d’attaquer un livreur. Difficile de connaître les raisons sordides de ce home invasion, a priori tiré d’une histoire vraie.

Porté par une chanson enfantine aux paroles ambiguës « My good old dad », Ça Peut Vous Arriver Demain ne cherche pas la subtilité, mais plutôt se complet dans un érotisme prégnant lors de la longue scène de triolisme, et n’hésite jamais à montrer les corps dévêtus de nos deux héroïnes face à un hôte désormais attaché et subissant une torture autant psychologique que physique. Pourtant, passé ce concept le film s’avère dénué d’autres enjeux et suit Jackson et Donna dans le saccage de la maison, leur soirée à se déguiser et leur comportement déviant. Une itération des situations faisant écho à la production du film, des acteurs non dirigés. Ce qui expliquerait que les deux actrices aient largement improvisé sur le plateau, gonflant le film d’un ventre mou scénaristique. Au final, ce Death Game vaut surtout pour les deux actrices dans un jeu pervers au milieu d’un logement dévasté.

 

3/6

 

 

SICK OF MYSELF – Suède/Norvège – 2022 – Kristoffer Borgli

En compétition

 

Pitch : Signe et Thomas conçoivent le couple comme un état de compétitivité permanente malsaine. Lorsque Thomas perce enfin dans l’Art contemporain, Signe va devoir trouver une autre solution pour l’égaler, être aimée coûte que coûte…

 

Présenté cette année dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes, Sick of Myself traite en filigrane de la société consumériste avec une acidité toute scandinave, c’est-à-dire âpre et sans concession. Dans ce monde du paraître, Thomas (Eirik Sæther) est un artiste contemporain spécialisé dans les meubles… volés. Sa compagne Signe (Kristine Kujath Thorp, The Great Silence) travaille quant à elle dans un café dans l’indifférence générale. En fait, en société c’est son compagnon qui brille, il la délaisse, l’humilie en public et est toujours à se mettre en lumière au détriment de sa fiancée. D’ailleurs, tout autour de cette dernière, personne ne semble la remarquer, même après un incident suite à l’attaque d’un chien où elle sauve la vie d’une personne et revient couverte de sang. Pour essayer enfin d’exister, Signe achète un médicament russe sur internet dont les effets secondaires aboutissent à une grave maladie de peau.

Sur ce schéma assez iconoclaste, Borgli construit une tragi-comédie dans laquelle s’enfonce son héroïne à mesure où elle ingurgite outre mesure des pilules jusqu’à être défigurée et susciter l’intérêt de Thomas, de ses amis ou même des médias en donnant une interview et en posant pour la couverture d’un magazine. Dans ses bons moments, Sick of Myself nous rappelle l’excellent Swallow (Carlo Mirabella-Davis, 2019) ou bien encore le travail de Ruben Östlund (The Square) sur la vacuité de l’art contemporain avec une ironie et des dialogues savoureux. Devenue une icône de la différence, Signe est rattrapée par sa maladie de peau s’aggravant inexorablement au point de la défigurer ; et de détruire tout ce qu’elle s’était ingénié à construire sur la base d’un mensonge.

Avec ce retournement de situation, elle devient une personne similaire à Thomas, arrogante et égocentrique dont l’unique but serait d’apparaître sur les réseaux sociaux et d’être connue dans le monde entier. Sans atteindre l’émotion et l’aura de Swallow, le long-métrage de Kristoffer Borgli va au bout de son propos entre une réalité difficile de la souffrance physique, où la jeune femme se déforme, crache du sang et perd ses cheveux, et des parties fantasmées où elle serait devenue une véritable star adulée. Il manque peut-être une deuxième partie plus mordante et relevée de nouveaux enjeux pour que Sick of Myself soit encore plus mémorable.

 

4/6

 

 

L’ORIGINE DU MAL – France/Canada – 2022 - Sébastien Marnier

En compétition

 

Pitch : Stéphane, une jeune femme modeste et réservée, retrouve les traces d’un père qu’elle n’a jamais connu, un riche homme d’affaires fatigué, qui va rapidement l’inviter à vivre dans une villa luxueuse au bord de la mer. Elle va y faire la connaissance de sa nouvelle famille...

 

Autant le dire tout de suite, j’attendais cette séance avec impatience. J’avais bien apprécié L’Heure de la Sortie long-métrage précédent de Sébastien Marnier avec Laurent Laffitte ou dans une moindre mesure Irréprochable avec Marina Foïs. Sans déflorer la suite, il est certain que le réalisateur possède un univers et un vrai talent de conteur au milieu d’histoires particulièrement étranges et des personnages plutôt bien ciselés. Et la déception est à la hauteur de la perspective d’un spectacle différent. Non pas que le film soit mauvais, loin de là comparé à la litanie des mauvaises prods hexagonales, mais il ne laisse pas un goût aussi mémorable après l’avoir maté.

Avec ce nouveau film, on n’est pas loin du Huit Femmes de François pour l’aréopage féminin autour du chef de famille Serge (Jacques Wéber) et de l’univers bourgeois de Claude Chabrol. Une phratrie composée notamment de la mère (Dominique Blanc) et de la fille George (Dora Tillier) qui se fissure encore plus avec l’arrivée de Stéphane (Laure Calamy) en fille illégitime de Serge. Elle a trouvé le courage de contacter son père, ce dernier voyant en elle une possible héritière et sa capacité à témoigner lors d’un procès en sa faveur contre le reste de sa famille qui aspirent à récupérer sa fortune. Famille, je vous hais en quelque sorte.

Comme toujours chez Marnier, les personnages sont singulièrement bien croqués et le récit se dévoile tel un puzzle à plusieurs tiroirs où les faux-semblants et les mensonges sont lois, adossé à une mise en scène à la fois classique et originale avec par exemple l’utilisation de split-screens. Tous les jalons sont posés mais, à mon sens, la sauce ne monte pas comme elle aurait dû. La faute peut-être à un casting bankable mais bancal d’où émerge un magistral Jacques Wéber, quand Dominique Blanc cabotine dans son rôle de grande bourgeoise délurée à la fièvre acheteuse. Sans parler de Laure Calamy dont on commence peut-être à saturer dans son personnage récurrent de gaudiche de la classe moyenne. Elle multiplie les rôles similaires même si c’est une bonne actrice, on sent quand même venir le pot aux roses à des kilomètres dans une dernière bobine où les vérités ne sont peut-être pas toutes bonnes à dire.

 

3,5/6

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