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Soirée Perles rares vampiriques à la Cinémathèque
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Reprise du Festival de Gérardmer 2020 à la Cinémathèque

 

Pour la 3e année consécutive, la Cinémathèque française a la bonne idée de projeter au public parisien les 10 films en compétition dans la foulée de la fin des festivités vosgiennes du week-end précédent. Une sélection assez hétéroclite qui donne le pouls du cinéma fantastique actuel et a fait ressortir Saint-Maud de Rose Glass, situé aux frontières du fantastique, raflant une majorité des prix. Si je n'ai pas tout vu (en plus des films déjà matés en festivals, certainement parmi les meilleurs, 1 BR, Vivarium et The room), voici le compte-rendu de 5 autres inédits.

 

Saint-Maud – Grande-Bretagne – 2019 - Rose Glass

Pitch : Maud, infirmière à domicile, s'installe chez Amanda, une célèbre danseuse fragilisée par la maladie qui la maintient cloîtrée dans son immense maison. Maud, tourmentée par un terrible secret et par les messages qu'elle pense recevoir directement de Dieu, se persuade qu'elle doit accomplir une mission : sauver l'âme d'Amanda.

 

Porté par la voix intérieure de la jeune infirmière, Saint-Maud entretient le mystère accompagné d’un malaise permanent comme si les frontières de la réalité étaient biaisées, à l'image de cette maison au style anachronique et du décor extérieur. Une ville balnéaire où les établissements de jeux se succèdent comme des boutiques de débauche. Cette dichotomie se retrouve dans le rapport entre l'excentrique Amanda (Jennifer Ehle, Chasseuse de géants), ancienne chorégraphe de renom en fin de vie et clouée chez elle, et son infirmière Maud (excellente Morfydd Clark vue dans Crawl), dévote patentée dont le but ultime est d'aider son hôte à atteindre l'amour de Dieu.

Pour son premier long-métrage, Rose Glass construit une histoire autour de la dévotion et de l'emprise subie par une jeune femme ne jurant que par les desiderata du Seigneur au point de converser avec lui. Fusionnelle, Maud l'est aussi dans sa relation ambiguë avec Amanda, cette dernière n'hésitant pas à payer une femme pour du sexe. Le film est ainsi empreint d'une atmosphère très sexuelle (Maud se transforme en véritable croqueuse d'hommes pour mieux retrouver le chemin de l'absolution). Les allusions relatives à la pénétration de l'esprit sain s’incarnent sur le corps de Maud jusqu’à déformer son visage dans une forme d'orgasme mystique.

Le fantastique est entretenu par les signes transmis par Dieu à Amanda, jeune femme au passé trouble et psychologiquement perturbée, les objets bougent et certaines apparitions dans le ciel semblent lui indiquer la marche à suivre. On n'est pas loin par instant de Take shelter et du personnage de Michael Shannon. Mais, est-ce réel ou ces visions proviennent-elles de l'esprit tordu de Maud ? Le film évolue ainsi dans cet entre deux au sein d'un scénario très bien achalandé en événements qui ne perd jamais son souffle et plonge avec son héroïne dans les méandres de la folie avant d’entamer une dernière bobine plus violente à bien des égards.

Saint-Maud tape donc assez fort dans sa mise en abyme de personnages forts grâce à un casting impeccable et un script tenu sur la longueur. Les dialogues avec le divin face un mur ou les mutilations infligées sont impressionnantes et s'insinuent avec intelligence dans le récit. Pas vraiment un film fantastique pour certains, mais Saint-Maud mérite néanmoins sa présence car c'est avant tout une œuvre réussie où les effets visuels et l'ambiance pesante rappellent les meilleurs longs-métrages du genre. On comprend au final qu'il ait raflé le Grand prix et le prix de la critique.

 

4/6

 

 

Sea fever – Irlande/Suède/Belgique/UK – 2018 - Neasa Hardiman

Pitch : Dans le cadre de ses études, Siobhán, étudiante en biologie marine, doit passer une semaine sur un vieux chalutier rouillé. Peu de temps après leur départ en mer, une forme de vie inconnue enserre le navire, l'immobilisant au beau milieu de l'Atlantique. Alors qu'une mystérieuse infection commence à se répandre à bord, la jeune femme doit sortir de son isolement et gagner la confiance des marins.

 

Avec ses allures de film de monstres et son casting de gueules connues, Sea fever semble cocher toutes les cases du monster movie de qualité. Sur la forme, rien à redire car ce premier long-métrage de l'irlandaise Neasa Hardiman est formellement réussie, de son casting jusque dans sa mise en image léchée, exception faite de son scénario, trop balisé pour être honnête. C'est bien là que le mât de misaine bat de l'aile. En effet, après une sympathique exposition permettant de présenter l'équipage, le film se fige sur lui-même à l'instar de l'immense mollusque, sorte de calamar géant lumineux, qui s’agrippe à la coque du bateau.

Le bois change alors de couleur et des espèces de parasites s'introduisent à l'intérieur du navire. Coincés sur place, les protagonistes tournent vite en rond pour essayer de comprendre la situation notamment grâce à la scientifique-étudiante Siobhán (très jolie Hermione Corfield vue dans Orgueil et préjugés et zombies) permettant de faire avancer le récit sur les eaux troubles d’œuvres qui sont déjà passées par là. Le film cite ainsi ouvertement Alien ou The thing avec l'inspection des yeux pour savoir si les personnages sont contaminés. De fait, l'épidémie commence à toucher l'équipage mettant en exergue leur violence et une folie sourde mais nerveuse. Comme souvent, le casting y passe progressivement, au sein duquel on reconnaît Connie Nielsen (Wonder woman) ou encore Dougray Scott (Hitman).

Sur la durée, Sea fever peine à convaincre malgré la bonne volonté des acteurs et une intrigue tentant de rebondir avec la présence d'un autre navire ou les apparitions phosphorescentes de la bête, tandis que le film prend des allures plus horrifiques voire gore avec l'explosion des globes oculaires de certains protagonistes. Malheureusement, la créature n'est pas développée comme les raisons de son arrivée intempestive ou de ses origines. Au final, le film montre qu'il est extrêmement difficile d'être original sur ce type de production déjà maintes fois ressassées, trop contraint par son lieu clos et un scénario enserré sur lui-même. Dommage mais prévisible.

 

3/6

 

 

Howling village – Japon - Takashi Shimizu

Pitch : Le village d'Inunaki, au Japon, est surnommé le Village Hurlant. Une psychiatre de la région, Kanade Morita, possède un sixième sens, qui la tourmente depuis l'enfance. Un jour, son frère Yuma et sa petite amie décident de jouer à se faire peur, lors d'une expédition nocturne dans le village et vont réveiller la terrible malédiction qui frappe le village…

 

A celles et ceux qui se demandaient où était passé Takashi Shimizu entre 3 ou 4 réalisations du reboot et du remake de Ju-on/The grudge, il effectue son retour avec cette histoire de fantômes comme si le réalisateur était condamné à tourner toujours la même histoire. Passées les premières minutes en caméra portée proche du style found footage, le film se pare des oripeaux des productions horrifiques des années 90 comme la saga Ring et consorts, accompagné d’un script déjà vu et d’une photographie délavée donnant à ce Howling village un aspect suranné comme si le film était immédiatement daté avant d'avoir débuté.

Au fil des minutes, l'impression s'accentue avec cette histoire de morts revenus à la vie qui hantent un village oublié et s'immiscent dans la vie d'une Docteur (Ayaka Miyoshi) voyant régulièrement des ombres ou des corps, à l'instar d'un petit garçon qu'elle a en consultation. Le problème principal du long-métrage reste son intrigue totalement confuse, multipliant les personnages et des attitudes absurdes. Pire, les mini-scènes s'enchaînent maladroitement reliées entre elles et dans le temps, pendant que la malédiction ancestrale autour du village se fait jour. Le film prend lentement son rythme de croisière pour présenter les différents enjeux mais se perd dans son propre dédale scénaristique en franchissant subrepticement les limites du ridicule (c'est quoi ces humains avec de longues canines ?).

De fait, la vision du film est laborieuse et Howling village paraît durer des plombes malgré l'abattage des comédiens et quelques séquences singulières et terrifiantes (le suicide de la jeune fille, la diffusion d'un vieux film ou la scène de la cabine téléphonique). C'est bien peu au regard de l’énergie investie, perdant constamment son spectateur dans les atermoiements et les cris des personnages pour un résultat final très décevant et d’une mise en image dénuée de toute émotion. Difficile d'ailleurs de comprendre le prix glané par le jury. Allez Takeshi, il va falloir revenir à l'essentiel, il se murmure déjà un nouveau reboot de The grudge...

 

2/6

 

 

Snatchers – Etats-Unis – 2019 - Benji Kleiman et Stephen Cedars

Pitch : Depuis qu'elle sort avec Skyler, Sara est l'une des filles les plus populaires du lycée. Mais quelque chose en lui a changé depuis la rentrée. Après une nuit passée ensemble, Sara découvre qu'elle est enceinte... de neuf mois. Elle se tourne vers la seule personne de confiance Hayley et les deux jeunes femmes se rendent vite compte que la présence de ce corps étranger dans le ventre de Sara n'annonce rien qui vaille…

 

Long-métrage d’ouverture de cette édition de 2020, Snatchers s’apparente à un véritable film de festival. Une comédie horrifique sans prise de tête, agrémentées de séquences gores avec un humour trash, quelquefois il est vrai un peu con. Mais c’est le jeu de ce genre de monster movie qui mise plus sur l’humour des situations et du décalage des personnages que sur un scénario développé, finalement juste là pour servir de faire-valoir à son duo d’adolescentes poursuivies par une créature sanguinaire.

Passe encore la première demi-heure assez drôle pour présenter une galerie de jeunes pré-pubères en pleine réflexion sur le sexe avant le passage à l’acte à l’origine de l’engrossement ultra rapide de Sara (Mary Nepi)). Le lien sera fait avec le séjour de son copain-géniteur Skyler (Austin Fryberger) au Mexique déclenchant une malédiction ancestrale maya. A l’instar du scénario, toute crédibilité a déjà pris la poudre d’escampette pour s’engouffrer avec frénésie dans la potacherie irrévérencieuse. On sourit donc à la connerie de ces jeunes face à des situations rocambolesques où un monstre à l’allure d’araignée sort du vagin de Sara (un peu comme dans Bad biology) pour exploser la tête du Docteur avant de rebondir dans toute la pièce et de s’échapper. Le début des emmerdes et finalement la fin de la bonne ambiance du début.

De fait, le film perd son intensité au fur et à mesure où la menace se concrétise avec le monstre sorti de son ventre nourricier qui prend littéralement possession des humains en se greffant à leur tête et leur dirigeant comme une monture. Une idée rigolote mais qui tient difficilement la route sur la durée réglementaire malgré l’abattage de l’ensemble du casting et une séquence de massacre dans les locaux de la police. Entre Les profanateurs de sépulture, The faculty, ou The dead don’t die, le long-métrage du duo Benji Kleiman et Stephen Cedars tente de se frayer un chemin parmi ces références et sa volonté d’exister en tant que comédie fantastique. Le pari est à moitié rempli, mais dans sa dernière partie, Snatchers manque de souffle et se dilate inexorablement sans jamais retrouvé l’esprit déconne de son entame.

 

3/6

 

 

The vigil – Etats-Unis – 2019 - Keith Thomas

 

Pitch : New York, Brooklyn. Après avoir quitté la communauté juive orthodoxe, Yakov, à court d'argent comme de foi, accepte à contrecœur d'assurer la veillée funèbre d'un membre décédé de ce groupe religieux. Avec la dépouille du défunt pour seule compagnie, il se retrouve bientôt confronté à des phénomènes de plus en plus inquiétants...

 

Dans la galaxie des Blumeries horrifiques, The vigil fait figure d’exception, à l’image de l’univers abordée, la communauté juive orthodoxe de New-York. Avec ce premier long-métrage, Keith Thomas explore le côté obscur de la mythologie juive où, à l’image d’autres religions, les démons pénètrent le monde des vivants pour les tourmenter. Si les thématiques abordés rappellent la litanie de films produits par Jason Blum à la Conjuring ou Insidious, The Vigil se démarque quelque peu par son approche plus sensible et moins accès sur les jumpscares et autres facilités pour provoquer la peur. Certes, le film se fend de 2 ou 3 moments de trouille en surprenant le spectateur, mais là n’est pas l’acmé du film, plus enclin à tisser un lien ténu avec L’exorciste (le plan devant l’entrée de la demeure avant le début du cauchemar).

The vigil est avant tout un film sur la gestion des traumatismes. Que ce soit celui de Yakov (Dave Davis, The domestics) transformé en "shomer", une personne chargée de veiller un défunt (et payé pour l’occasion faute de volontaire), ou celui du vieil homme décédé ayant subi de plein fouet les affres de la Shoah. De fait, les traumas personnels s’entremêlent et la peur naît de ce magma de douleur jamais digéré. Le démon du film, issu du bestiaire judaïque, n’est finalement que la matérialisation de troubles jamais résolus. Le scénario entretient ainsi une part de doute dans les événements étranges subis pendant la nuit dans la maison du défunt. Yakov est un jeune homme battu par le remord (il se bourre d’anxiolytiques) suite au décès de son jeune frère, le poussant sans doute hors de sa communauté religieuse.

Sur ce postulat de film de fantômes ceint dans un lieu clos, le réalisateur construit une œuvre assez originale autour du personnage de Yakov (malgré quelques passages obligés tirés des films d’épouvante contemporains), de son incapacité de parler aux femmes après des années de sevrage dans l’étau du judaïsme ou de sa découverte des nouvelles technologies par le biais de son téléphone portable, seul lien avec l’extérieur. Yakov est alors confronté à la fois au monde réel et aux traditions ancestrales l’obligeant à un retour en arrière dans la dernière partie du récit. Ses visions sont peut-être fabriquées par son subconscient et le renvoient inexorablement vers la mort de son frère. A ce moment-là, le film se pare des effluves de L’échelle de Jacob.

De symbolique, The vigil mû avec l’apparition réussie de la créature griffue et des révélations d’une bande magnétique prophétique dans un sous-sol, au milieu des déambulations et du dialogue parfois embrouillé avec la femme de Mr Litvak (Lynn Cohen). Au final, l’ensemble fonctionne plutôt bien entre séquences de flippes et réflexions sur le deuil sans jamais tomber totalement dans la caricature souvent inhérente à ce genre de productions, à l’image du climax en forme de rédemption. Pour une fois que Jason Blum la joue sobre, il faut le signaler.

 

4/6

 

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