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6e jour à l'Etrange festival

 

6e jour à l'Etrange festival avec trois films dans la besace, le fabuleux film indien horrifique Tumbbad de Rahi Anil Barve et Adesh Prasad, le nouvel essai romantique de Fabrice Du Welz avec Adoration et pour terminer la soirée, le magnifique Swallow de l'américain Carlo Mirabella-Davis. Encore une belle et bonne journée.

 

 

TUMBBAD – L'enfer - Inde – 2018 - Rahi Anil Barve & Adesh Prasad

 

Nouveaux talents

 

Pitch : La mère de Vinayak est, avec son frère Sadashiv, sous les ordres d’un vieux seigneur lubrique, Sarkar. Elle espère récupérer contre ces faveurs une pièce d’or que tient dans ses bras une statue. Par ailleurs, une aïeule, dont on ne sait si elle est démente ou maléfique, est retenue prisonnière et nourrie chaque jour par la famille.

 

Premier film de la journée et choc frontal avec ce merveilleux Tumbbad qui fait partie de la mouvance des films indépendants indiens aux antipodes des productions à gros budgets en provenance des usines à bonheur de la patrie de Ghandi. Ici, pas de danses collectives et peu de chanson à gorges déployées. Tumbbad est glauque, très glauque, car il suit une malédiction ancestrale sur plusieurs années, tapie au fond d'un vieux temple oublié renfermant la source des malheurs Vinayak, son frère et sa mère, obligés de surveiller leur grand-mère déformée par le mal et qui connaît l'emplacement d'un trésor.

Sous une pluie permanente, le ton est donné dès l'entame avec ces couloirs exigus et sombres où résonnent des grognements d'un autre âge. Situé en 1918, l'intrigue tourne autour de l'appropriation d'un trésor mythique promettant la fortune éternelle à son détenteur. On suit donc à trois époques jusqu'aux années 40, la vie de Vinayak, de son enfance à l'âge adulte au moment il est lui-même père, face à ce mystère qui dévoile progressivement ses atours maléfiques grâce à des séquences d'une beauté sépulcrale hallucinante. En pénétrant la terre de leurs ancêtres, les personnages s'immiscent dans l'antre d'un démon afin de lui voler son or.

Pour son premier film, dans les cartons depuis une vingtaine d'années, entamé en 2012 puis abandonné, Rahi Anil Barve dépeint une Inde à la fois réaliste des petites gens et développe un conte allégorique battu par les pluies et recouvert d'un manteau de noirceur, comme si les frères Grimm avaient passé un week-end chez Lovecraft. Les corps souffrent, se contorsionnent et fusionnent avec les murs ou un arbre dans ce film à la direction artistique et à la mise en scène efficaces comme un tableau décrivant la descente aux enfer de Dante. Le spectateur intègre un monde socialement violent (il faut se battre pour survivre) avec les échos de la guerre et de l'indépendance de l'Inde en fond sonore comme une petite musique qui justifierait l'avidité morbide de la possession.

Lauréat du prix du meilleur film asiatique au festival de Sitges, Tumbbad est sans concession, il irradie d'une horreur picturale et organique avec une maîtrise insolente jusqu'à un climax forcément tragique mais encore dans les mémoires bien après la projection. On sort fourbu et heureux après la projection, la même sensation qu'après l'extraordinaire Sunrise de Partho Sen-Gupta en 2014. Ce trou des enfers est d'une beauté fascinante à l'image de ce film coup de poing d'un noir solaire et malsain.

 

5/6

 

 

ADORATION – L'enfant et l'oiseau - France/Belgique – 2018 – Fabrice Du Welz

 

Mondovision et en présence du réalisateur et de son équipe

 

Pitch : Paul, un jeune adolescent solitaire, vit à côté d’un hôpital psychiatrique. Un jour, il fait la connaissance de Gloria, une jeune fille de son âge...

 

Passons à un autre décor et une autre ambiance avec le nouveau film de Fabrice du Welz qui change de registre avec cette romance minimaliste située dans la campagne belge. A contre-courant de son cinéma viscéral (Calvaire), visuellement différent (Alleluia) ou thriller violent (Message from the king), le cinéaste belge fait un 360 en filmant au plus près cette histoire d'amour. Il se rapproche en cela de ses compatriotes les frères Dardenne avec ce long-métrage débutant dans un hôpital psychiatrique où séjourne Gloria (Fantine Harduin, Dans la brume). Elle rencontre Paul (Thomas Gioria, Jusqu'à la garde) le fils d'une infirmière. Le début d'un amour adolescent fragile et de l'ennui pour ma pomme complètement hermétique à cette romance juvénile filmé caméra à l'épaule et à la photographie terne.

Avec ce film, Du Welz tombe dans les travers du cinéma français atmosphérique dénué de tout enjeu et à la mise en scène aléatoire. Difficile constat pour un réalisateur sympathique et parfois clivant (le magnifique Vynian) dont le scénario ne développe pas grand-chose hormis sa propension à se regarder le nombril dans cette histoire d'amour sans émotion à laquelle on ne croit pas. De fait, la projection est un véritable calvaire pour suivre l'odyssée de ce garçon naïf éperdu de sa dulcinée schizophrène et souvent hystérique. Adoration se veut lent et immersif, ce qu'il est au grand dam de votre serviteur perdu dans ce fatras de temps qui passe, émaillé par quelques rencontres hasardeuses sans réel intérêt.

Certes, le dernier quart d'heure est plus agréable à partir du moment où Benoît Poelvoorde fait son apparition avec sa bonhommie légendaire dans un rôle plus sobre qu'à l'accoutumée. Et d'entrevoir ce qu'aurait être le film s'il avait emprunté ce chemin agrémenté d'une histoire plus intense. Finalement très cliché à l'image de la métaphore pachydermique avec les grues cendrées qui, une fois en couple, ne se séparent jamais, au cas où on n'aurait pas compris l'allusion avec les enfants.

 

2,5/6

 

 

SWALLOW – Avaler c'est tricher - France/USA – 2019 – Carlo Mirabella-Davis

En compétition et en présence du réalisateur.

 

Pitch : Hunter semble mener une vie parfaite aux côtés de Richie, son mari qui vient de reprendre la direction de l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad…

 

Quelle bonne surprise pour finir la journée avec ce premier film du réalisateur américain Carlo Mirabella-Davis. Maîtrisé de bout en bout, Swallow est porté par la comédienne Haley Bennett (Hardcore Henry, The haunting of Molly Hartley) avec ses faux airs de Jennifer Lawrence. Sa performance est la hauteur de son malaise permanent, corsetée dans l'étau d'une famille fortunée qui fait d'elle une femme au foyer ou objet, dévouée à son mari Richie (Austin Stowell, Whiplash) mais surtout à l'ennui de journées interminables. De ce mal être, naît un trouble du comportement, le Pica, une maladie dont la victime ingère des objets de manière compulsive.

D'une enfance traumatique qui se révèlera dans la dernière partie à son existence au milieu d'une famille d'ultra riche méprisante, Hunter a bien du mal à trouver sa place face à une belle-mère cassante (Elisabeth Marvel, True grit) et un beau-père autoritaire (David Rasche, Burn after reading). Et de son comprendre sa déviance suite à ses humiliations psychologiques (tapisserie de son mari, elle s'avère transparente lors des conversations), sa seule alternative est d'avaler des objets, car seule elle décide alors et devient maîtresse de son destin. C'est pire quand elle tombe enceinte, sa belle-famille la protégeant à outrance, non par charité mais parce qu'elle devient le ventre de la future progéniture.

Le réalisateur trouve le ton juste pour aborder cette névrose grâce à son scénario habile, une mise en image sobre et bien agencée. On retient surtout la magnifique prestation de la jeune comédienne habitée par son rôle de Desperate housewive ingérant des objets pour soulager ses douleurs psychologiques. Sans pathos, le film trouve la bonne distance entre le drame lorsque la pathologie est découverte et la comédie de situation avec l'arrivée d'une espèce de garde du corps syrien décalé (Laith Nakli) en guise de chaperon pour lui éviter de retomber dans ses travers. Dans la dernière bobine, Swallow change de cap et évolue vers une sorte de rédemption en forme de confession où l'émotion jaillit d'un simple dialogue doux-amer, à l'image de ce film magnifique sur le fond et la forme. Une révélation.

 

4,5/6

 

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