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11e jour à l'Etrange festival

Avant dernier jour à l'Etrange festival (et oui déjà...) avec deux films au programme. La mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos et Thelma de Joachim Trier.

 

LA MISE A MORT DU CERF SACRE – Famille explosée – USA - 2016 – Yorgos Lanthimos

 

En compétition

 

Pitch : Steven, un chirurgien réputé, père présent et mari idéal, voit sa vie et celle de sa famille voler en éclats le jour où il introduit auprès des siens Martin, un adolescent qui a récemment perdu son père et qui va prendre un joli plaisir à manipuler tout ce beau monde...

 

 

Le cinéaste grec Yorgos Lanthimos s’est fait connaître avec le dérangeant Canine et, depuis Lobster, présenté à Cannes, est devenu une bête de festivals comme avec La mise à mort du cerf sacré avec lequel il remporta le prix du scénario à Cannes cette année. On retrouve ici certaines de ses obsessions avec cette exploration des tourments d’une cellule familiale menacée par une intervention extérieure, en l’occurrence celle d’un jeune homme.

La première partie du film est assez prenante avec la découverte de cette famille menée par le père chirurgien Steven (Colin Farrell, Prémonitions) et sa femme Anna (Nicole Kidman, Eyes wide shut), Ophtalmologue de son état. Tout semble aller pour le mieux avec leurs deux enfants Kim et Bob. Sauf que le père entretient une relation amicale avec un jeune homme Martin (Barry Keoghan, Dunkerque) qui a perdu son père suite à une intervention chirurgicale ayant mal tourné. Alors que la vie ronronne au sein de cette famille bien sous tous rapports dans une grande maison où rien ne dépasse, l’intrusion de Martin dans de cette cellule aura une incidence profonde sur les comportements.

Le réalisateur instille alors le doute au spectateur à chaque morceau de violons où Martin apparaît, insistant sur la menace sourde alors que le jeune homme est charmant avec tout le monde. Au bout d’un moment, on comprend ses réelles motivations et l’insertion d’un fantastique sous-jacent vient encore plus décontenancer les rapports entamés avec lui. Comme toujours avec ce réalisateur, la famille prend cher et les interférences provoquées par Martin condamnent déjà le père à faire des choix radicaux. Au sein d’un casting quatre étoiles, Colin Farrell est excellent en chef de famille mutique, barbu et bedonnant, tout comme Nicole Kidman en mère dépassée par les événements (on les retrouve d’ailleurs cette année ensemble dans Les proies de Sophia Coppola). On remarquera aussi Barry Keoghan plutôt terrifiant dans son rôle de jeune homme perturbé mais toujours calme même lorsqu’il évoque de terribles situations et les conséquences de ses actes.

On sait que Lanthimos est un bon metteur en scène et visiblement lui aussi est au courant. De fait, sa mise en scène se rapproche du cinéma de Kubrick et Malick lorsqu’il ballade sa caméra dans les couloirs de l’hôpital avec une certaine lenteur voire une froideur. De beaux angles et des plans étudiés viennent ponctuer des images léchées mais mettant à distance le spectateur. Ces références évidentes s’arrêtent là car son cinéma, certes esthétique, manque d’émotion et ne raconte pas grand-chose au final. La mise à mort du cerf sacré se rapproche en fait plus du cinéma de Michael Haneke et de son Funny games, notamment pour la dernière bobine.

Si le film s’avère dérangeant pendant une bonne heure, il est aussi un peu long notamment sur la fin où le réalisateur multiplie les scènes à l’hôpital où sont désormais les enfants du couple. Il manque une sorte d’empathie pour les personnages qui ne sont pas très attachants malgré une mise en image réussie. Au final, on est partagé à la sortie et il est bien difficile de savoir si on a aimé le film tant il génère des sentiments contradictoires entre un réalisateur qui se regarde un peu filmé et un scénario retors mais dont la profondeur exacte peut nous échapper.

 

3,5/6

 

 

THELMA – Dans sa tête – Norvège/Danemark/Suède - 2016 – Joachim Trier

 

En compétition

 

Pitch : Thelma quitte sa famille et sa campagne pour poursuivre ses études dans un campus universitaire à Oslo. Elle va connaître des sensations nouvelles et devra affronter sa propre timidité, ses différences, ses premiers émois amoureux… et la découverte d’étranges pouvoirs.

 

Film sur le désir et sa difficulté à l’accepter, Thelma est un drame existentiel où le fantastique vient s’immiscer avec réussite car il se retrouve au service de l’histoire et pas juste là comme un effet de style. Parce que la vie de Thelma (Eili Harboe, The wave), jeune étudiante seule à Oslo est plutôt monotone et sans saveur, jusqu’au jour où elle rencontre Anja (Okay Kaja) dont elle tombe amoureuse. Un comble pour Thelma, élevée sous le joug d’une famille chrétienne rigoriste, qui ne boit pas d’alcool et expie ses fautes dans la religion à la moindre incartade.

Mais, au-delà de ses amours naissantes, tout ne tourne pas rond chez Thelma semblant faire régulièrement des crises d’épilepsie. Hors, très vite on s’aperçoit que ce n’est pas un trouble physique mais une manifestation de ses propres facultés mentales. La jeune femme possède des pouvoirs psychiques la rendant capable de provoquer des événements à distance dans un état entre le sommeil paradoxal et la crise extatique. Cet état s’accroit avec l’apparition des sentiments pour Anja contraire à ses convictions et à l’éducation prônée de sa famille.

Thelma est à la fois un film sur le passage à l’âge adulte et s’avère aussi une charge contre la religion omniprésente et empêchant la jeune femme de réellement profiter de la vie. Croire en Dieu est pour elle une espèce de garde fous lui évitant de sombrer dans la violence. Car ces changements d’humeur ont des conséquences sur elle et ses proches sans qu’elle en soit réellement consciente. Le film est ainsi ponctué de magnifiques séquences de rêves, matérialisées par la présence d’un serpent fantasmagorique, métaphore d’une tentation sexuelle et religieuse. Entre désir d’éveil à la sensualité et souvenirs enfouis, Thelma se déploie sur la durée alors que la première partie prend son temps pour se mettre à jour.

Quand le fantastique fait irruption, il est à la fois atmosphérique et douloureux car l’héroïne a la capacité de faire disparaître certaines personnes à distance à l’image de la scène où elle est allongée sur un lit d’hôpital pendant que les médecins simulent une épilepsie. Progressivement, on détecte l’origine de son mal et les flashbacks dans son passé enfantin sont particulièrement terrifiants (on se remémore alors la séquence d’ouverture). Un background familial teinté de non-dits où la croyance se transforme en thérapie collective pour refouler un pouvoir somme toute terrifiant.

Si le film peut sembler légèrement longuet, il nous renvoie surtout à l’excellent Morse de Tomas Alfredson avec cette réalité crue dans des paysages scandinaves magnifiques avec une dernière séquence élégiaque et terrible à la fois. Avec Thelma, Joachim Trier fait montre d’une belle maîtrise pour proposer un film réflexif où le fantastique prend une place tout à fait juste. Une vraie découverte.

 

4,5/6

 

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