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REAL

 

GENRE : Réal Comatic

REALISATEUR : Kiyoshi Kurosawa

ANNEE : 2013

PAYS : Japon

BUDGET : ?

ACTEURS PRINCIPAUX :Takeru Satoh, Haruka Ayase, Jô Odagiri...

 

RESUME : Atsumi, talentueuse dessinatrice de mangas, se retrouve plongée dans le coma après avoir tenté de mettre fin à ses jours. Son petit-ami Koichi ne comprend pas cet acte insensé, d'autant qu'ils s'aimaient passionnément. Afin de la ramener dans le réel, il rejoint un programme novateur permettant de pénétrer dans l'inconscient de sa compagne. Mais le système l'envoie-t-il vraiment là où il croit ?

 

MON HUMBLE AVIS

Adapté du roman de Rokurô Inui, The Day Of The Perfect Pleiosaur, Real se situe entre Shokuzai (2012), mini série dramatique en cinq épisodes et Vers l’autre rive (2015), réflexion sublime sur la vie et la mort dont on retrouvait déjà des bribes dans ce film aux allures d’œuvre d’anticipation. Comme toujours chez Kiyoshi Kurosawa, il faut se laisser prendre par le rythme lent et des situations banales de la vie quotidienne, émaillant sa longue cinématographie, ici le dialogue feutré dans un appartement entre Atsumi (Haruka Ayase) et Koichi (Takeru Satoh).

Pourtant, insidieusement et avec brio, le réalisateur bascule son récit dans le fantastique lorsqu’on comprend que tout se déroule dans le subconscient de la jeune femme où son fiancé s’est introduit grâce à une machine expérimentale capable de relier les personnes dans le coma à des vivants cherchant à communiquer. Une technologie assez épurée visuellement car là n’est pas le propos de Kurosawa (même si on pense fortement à The Cell de Tarsem Singh) qui cherche à raconter avant tout une histoire d’amour où les souvenirs se mélangent au gré des voyages dans l’esprit d’Atsumi.

Kiyoshi Kurosawa est sans doute un des plus grands réalisateurs pour exprimer les non-dits et montrer l’autre monde, que se soit celui des morts, des fantômes ou l’indicible état d’inconscience de ses personnages plongés dans le coma. Grâce à sa maîtrise de l’espace, de l’apparition d’une porte fissurée, passage vers une autre dimension, d’un sol recouvert d’eau, le réalisateur instille l’irréel par morceau à l’image des dessins que confectionnent Atsumi. Choisir le manga comme support de dialogue, une sorte de sublimation de la réalité, n’est pas anodin et montre le caractère fantasmagorique parcourant le récit. Parce qu’à chaque fois que Koichi revient de son voyage astral, il ramène avec lui des visions, réminiscence de son passage dans l’âme de sa fiancée, des cadavres issus du manga ou de ce jeune enfant lui apparaissant comme un fanal fantomatique.

Si la virtuosité de la caméra de Kurosawa est moins prégnante à l’écran, on retrouve son style épuré et sa capacité à magnifier le cadre ou les paysages grâce à une succession de plans fixes et de longs travellings tout en douceur (la preuve qu’on peut faire vivre une image sans sur-découpage), au détour desquels il laisse de nombreux indices sur la réalité distordue et l’évolution de son récit, bien plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. A mesure où le jeune homme avance dans son enquête, la réalité se déforme comme si les dimensions se confondaient, notamment quand les deux amoureux décident de sortir de l’appartement, entouré d’un brouillard épais et recelant une foultitude de souvenirs oubliés. Ils croisent ainsi des êtres éthérés, presque des automates au faciès incertain, appelés des « zombies philosophiques » et émanations du cerveau humain, tandis qu’ils se baladent dans leur passé commun et notamment cette île mystérieuse où ils ont grandi.

Et comme toujours chez Kurosawa, ce puzzle mémoriel se reforme au fil du récit dans une deuxième partie brouillant les pistes où les faux-semblants se matérialisent sous la forme d’apparitions irréelles, d’un pistolet virtuel aux effluves d’eXitenZ de Cronenberg et d’un plésiosaure, animal antédiluvien concrétisant les refoulements enterrés au plus profond de l’âme humaine. Un être chimérique apparaissant dans le style de The Host dans un film de monstre virtuel sous un crâne en ébullition. Dans cette réalité nimbée de chimères, la vérité se fait jour sur la fin entre révélation prosaïque de l’état comateux et divulgation de l’origine des tourments des personnages, reclus dans les abysses d’une mémoire sélective pour se défaire des malheurs vécus dans l’enfance.

Certes, il faut reconnaître que Real n’est certainement pas le meilleur film de Kiyoshi Kurosawa, qu’il pourra en rebuter certains par son style lent, une conclusion peut-être un peu trop explicative et positive. Néanmoins, on reconnaît la patte du réalisateur et ses obsessions hantant son cinéma sur le passage du vivant à la mort, purgatoire spectral et métempsychose magnifiée par la beauté des images et un script à tiroirs. Ces hantises récurrentes apparaîtront encore plus expressives et pertinentes dans son film suivant Vers l’autre rive.

 

4/6

 

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Commentaires: 6
  • #1

    Rigs Mordo (mardi, 15 novembre 2016 19:54)

    Super chro ! Je suis en retour chez ce bon vieux Kurosawa, je m'étais arrêté à Rétribution alors que j'en avais adoré plusieurs (Charisma, par exemple), donc va falloir que je reprenne ça.

  • #2

    Roggy (mardi, 15 novembre 2016 20:16)

    Merci l'ami, même si on est un peu loin ici de "Charisma" ou "Rétribution".

  • #3

    tinalakiller (mercredi, 16 novembre 2016 22:17)

    Quelle belle critique, très juste et bien analysée !

  • #4

    Roggy (mercredi, 16 novembre 2016 22:22)

    Merci beaucoup Tina ;)

  • #5

    princécranoir (samedi, 19 novembre 2016 17:02)

    Pas le meilleur du K Kurosawa comme tu le dis (quelques lourdeurs de scénario qui tiennent peut-être au matériau source), mais il est tellement doué qu'il éblouit rien que par son style et son art feutré de la mise en scène. Il n'a pas son pareil pour faire communiquer les mondes entre eux, sans avoir recours à tout l'attirail spectaculaire et prosaïque de ses homologues yankees.
    En ce qui concerne cette synthèse ô combien inspirée, mon plésiosaure l'applaudit de toutes ses nageoires.

  • #6

    Roggy (samedi, 19 novembre 2016 19:25)

    C'est gentil Prince et je me souviens que tu n'avais pas trop aimé la fin du film justement avec le plésiosaure. Comme tu l'écris, ce n'est pas son meilleur métrage mais il demeure néanmoins très réussi.